La Réforme en Suisse

Article écrit par J-Michel Rossel pour les à Ballaigues sur le thème de la Réforme, en septembre 2017.

«En 1512, Lefèvre, professeur à l’Université de Paris, opposait à la justice des œuvres la vraie justice dont parle saint Paul quand il dit : Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi ; et il annonçait en termes non couverts le prochain renouvellement de l’Eglise.

En 1516, Zwingli, sans avoir jamais entendu prononcer le nom de Lefèvre, prêchait dans les églises d’Einsiedeln et de Glaris, au cœur de la Suisse, le pur évangile de la grâce de Dieu : «J’ai commencé, dit-il lui-même, à prêcher l’Evangile en l’an de grâce 1516».

En 1517, Luther, au nord de l’Allemagne, aux oreilles de qui n’avaient probablement  jamais retenti les noms de Lefèvre et de Zwingli, affichait à la porte de l’église de Wittenberg ces 95 thèses qui parcoururent l’Allemagne et l’Europe avec une rapidité qui semble une anticipation de nos temps, et furent, pour le nouveau paganisme qui menaçait de submerger l’Eglise, le solennel : «Tais-toi !» du Seigneur (Marc 4. 39).

Cette simultanéité remarquable du mouvement réformateur sur des points aussi distants, montrerait à elle seule que cette œuvre ne fut pas l’œuvre d’un homme, mais celle de Dieu seul.»

Frédéric GODET, Biographie de Guillaume Farel

Nous avons ensuite le Protestantisme (je ne dis pas la Réformation, comme œuvre du pouvoir actif de Dieu par le Saint Esprit), mais le Protestantisme comme le grand résultat public parmi les hommes dans la chrétienté professante.

John Nelson DARBY, Appendice des Méditations sur les épîtres prophétiques aux Sept Eglises

Débuts mouvementés de la Réforme en Suisse alémanique

C’est en 1519 que la Réforme fut introduite en Suisse par Ulrich ZWINGLI, prédicateur à Zurich, né en 1484 à Wildhaus, alors dans le comté de Toggenburg, mort  en 1531 (47 ans) à la bataille de Kappel. Fils d’un magistrat municipal de village, Zwingli fut élevé par les soins d’un de ses oncles, riche ecclésiastique, qui l’envoya étudier à l’université de Bâle, à Berne, puis à l’université de Vienne. Ardent humaniste, admirateur d’Erasme, il fut nommé curé de Glaris (1506) puis prédicateur à Einsiedeln (1515). En cette qualité, il s’éleva contre le célèbre pèlerinage de Notre-Dame-des-Hermites dont il fit enterrer les reliques, affirmant que le salut ne procède que de Dieu seul d’où l’inutilité des pèlerinages. Tout en remplissant consciencieusement son ministère, il se livra avec passion à l’étude du grec et de l’hébreu pour étudier les textes des classiques grecs, des Pères de l’Eglise comme aussi ceux d’exégètes plus modernes comme John Wyclif et Jean Hus, le premier condamné comme hérétique et le second brûlé vif pour la même raison. Il fut quelque temps aumônier des soldats suisses au service du pape Léon X, assista à la bataille de Marignan (1515) et considéra la défaite des Suisses comme une punition pour s’être engagés dans la guerre pour une autre cause que celle de défendre leur patrie. En 1518, son éloquence le fit appeler à Zurich, pour prêcher à la cathédrale (Grossmünster), et dès 1519, dans ses conférences sur le N.T., il commença d’évoluer vers la Réforme en réfutant les rites et les usages ignorés par la Bible, «seule autorité irrécusable de la volonté de Dieu».

Zwingli a été plus exigeant que Luther, dans la stricte interprétation de la Parole ce qui l’amena à être aussi plus radical dans les manifestations extérieures de sa réforme, (affaire des saucisses – Carême de 1522 – Rom. 14, 1 Cor. 8)). Il voulait une religion épurée de toutes les traditions historiques, de l’autorité papale, du culte de la Vierge, de celui des saints, la suppression des images, des statues, des orgues. Or du point de vue doctrinal, à la différence de Luther qui mettait surtout l’accent sur la justification par la foi seule, selon l’épître aux Romains, Zwingli mettait en parallèle «l’invincible volonté de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés». Sous son égide, à la fin de 1523, commença une véritable explosion iconoclaste : les riches églises de Zurich furent pillées, les images et les statues supprimées et, avec l’appui du Conseil de Zurich, la messe fut abolie dès avril 1525. Alors que Luther restait fermement sacramentaire, Zwingli, remplaça la messe par la cène consistant désormais en une simple commémoration symbolique de la mort du Christ, comme il l’expliqua dans son Commentarius de vera e falsa religione (1525). Il ne conservait donc plus que deux sacrements, le baptême et la cène, sur les sept établis par l’Eglise catholique, éliminant la confirmation, la pénitence, l’extrême-onction, l’ordre et le mariage. La controverse entre les deux réformateurs aboutit au colloque de *Marburg (automne 1529) où leurs positions s’avérèrent inconciliables, Luther persistant dans sa croyance de la présence corporelle de Christ dans l’eucharistie : «Ceci est mon corps, ceci est mon sang», sous forme de «consubstantiation» et non plus de «transsubstantiation» désormais condamnée et remplacée par les deux espèces, pain et vin séparés. Malgré ces divergences, la réforme s’étendit rapidement  à Schaffhouse, tandis que *Berchthold HALLER et *Niklaus MANUEL l’établissaient à Berne (1528) ; *OECOLAMPADE, à Bâle (1529) et *Joachim VADIAN à Saint-Gall (1529).

Cependant, sur les treize cantons, sept demeuraient fidèles au catholicisme leur donnant ainsi la majorité à la Diète. Pour les vaincre par les armes, Zwingli conclut une alliance avec les cantons réformés et la ville de Constance, tandis que les catholiques faisaient appel à l’Autriche (avril 1529 – Charles Quint, sacré en 1519). Aussitôt, Zwingli marcha à la tête des Zurichois ; cette première lutte fut arrêtée momentanément par la paix de Kappel am Albis (25 juin 1529 – soupe au lait ?), conclue grâce à l’entremise des cantons neutres dont Glaris en particulier.  Elle  établissait que chaque canton était souverain en matière religieuse et pouvait chasser les dissidents ; de même, dans les baillages communs, chaque paroisse devait choisir sa confession à la majorité, la minorité n’ayant d’autre ressource que de s’incliner ou de s’exiler. Bien que favorable aux réformés, cette paix ne satisfit pas Zwingli qui voulait que le protestantisme pût être prêché dans toute la Confédération. La lutte reprit donc en 1531 par l’agression des catholiques contre Zurich, et Zwingli trouva la mort au cours de la bataille de Kappel, où, le 11 octobre 1531, les Zurichois furent vaincus  par les cantons catholiques de la Suisse centrale et durent signer une deuxième paix qui permettait aux catholiques de rétablir leur culte dans les bailliages communs. La seconde bataille de Kappel et la paix qui s’ensuivit consacrèrent donc la division religieuse de la  Suisse dite des Treize cantons, dont quatre réformés (Zurich, Bâle, Berne et Schaffhouse), sept catholiques (Uri, Schwyz, Unterwald, Lucerne, Zoug, Soleure et Fribourg) et deux cantons mixtes, Appenzell et Glaris). Cette composition ne devait plus varier jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Elle était complétée par des pays alliés (Grisons, Valais, Saint-Gall, Neuchâtel, le Rheintal et le Toggenburg), par des baillages communs (Argovie, Gaster, Sargans, Thurgovie et les vallées tessinoises, etc) et par des villes alliées (Bienne, Mulhouse, Constance etc).

Débuts de la Réforme en Suisse romande

Dans les cantons qui composent aujourd’hui la Suisse romande, la situation fut relativement moins perturbée que dans les cantons alémaniques. Ce qui constitue aujourd’hui le canton du Jura était, au moment de la Réforme, possession des évêques de Bâle, princes du Saint-Empire. A la proclamation de la Réforme en 1529, l’évêque quitta la ville pour s’établir à Porrentruy et, avec ses possessions de Bienne, La Neuveville et quelques autres seigneuries, resta l’allié des sept cantons catholiques. Il en alla de même du Valais, allié des cantons d’Uri, d’Unterwald et de Lucerne dès 1416-1417. En revanche, le traité de combourgeoisie signé en 1426 entre Berne et le comté de Neuchâtel, alors possession des comtes de Fribourg-en-Brisgau (Comtesse Jehann de Hochberg) sujets des Habsbourg, mettra plus tard ce territoire dans l’orbite protestante de son puissant allié bernois, malgré l’influence autrichienne.

Durant des siècles, la ville de Genève eut à lutter successivement, et parfois simultanément, contre les ducs de la maison de Savoie dont les possessions l’encerclaient et contre son évêque, presque toujours choisi parmi les membres de cette même famille. Un premier traité de combourgeoisie signé en 1519 entre Genève et Fribourg fut annulé par les intrigues de Charles III, le Bon, duc de  Savoie, mais un second, signé en 1526 avec Berne et Fribourg, se révéla de grande utilité en 1530, forçant ce même duc à reconnaître l’indépendance de la ville. Dans le Pays de Vaud, l’évêque de Lausanne, prince de l’Empire, conservait une certaine autorité temporelle sur la ville depuis 1125. Mais dans le reste du canton, les villes, rares et assez peu peuplées, jouissaient de diverses franchises et s’administraient comme de petites républiques. A Moudon résidait un bailli, chargé de réunir les États de Vaud en sa qualité de représentant de l’autorité savoyarde qui allait s’affaiblissant au profit des confédérés helvétiques dont Berne et Fribourg acquéreurs de bailliages (Orbe, Echallens, Grandson, Aigle). Un traité de combourgeoisie fut signé en 1525 entre Lausanne, Berne et Fribourg. Quand le duc de Savoie vint bloquer Genève (1530), les Bernois, à l’appel de leurs frères protestants, accoururent pour les secourir et profitèrent, en passant, de conquérir Lausanne et le Pays de Vaud d’où le catholicisme fut éliminé (1536).

C’est dans ce contexte politique qu’apparurent les principaux réformateurs, cités dans leur ordre d’arrivée, en ce qui deviendrait la Suisse Romande : *Guillaume FAREL (1526), *Pierre VIRET (1531), *Jean CALVIN (1536), *Théodore de BEZE (1549).  A noter, en passant, que parmi ces réformateurs, un seul, VIRET, est natif du pays alors qu’en Suisse alémanique tous sont suisses à l’exception d’OECOLAMPADE, sujet wurtembergeois !

En 1526, échappant à la poursuite de ses nombreux ennemis, et après de multiples péripéties, Guillaume FAREL, «le premier et le plus vaillant missionnaire de la réformation française», se réfugia en Suisse à l’âge de 37 ans.  L’Allemagne et la France lui étant fermées, il se rendit à Berne pour prendre l’avis du pasteur *Berchtold HALLER qui lui conseilla de s’établir à Aigle, bailliage récemment acquis par Berne. Sous le nom de Maître Ursin (vraisemblable allusion à ses nouveaux protecteurs), il commença par enseigner à lire aux enfants pauvres et le soir rassemblait les pères de famille pour leur expliquer les Ecritures. Un groupe évangélique se forma bientôt autour du maître d’école, ce qu’apprenant, le Conseil de Berne lui fit parvenir en mars 1527 des lettres-patentes par lesquelles il  était nommé pasteur à Aigle. Peu après cependant, ayant confessé être Guillaume Farel et avoir prêché ouvertement Jésus-Christ au peuple stupéfait, il provoqua une révolte autant contre lui que contre «ces Messieurs de Berne» et dut s’enfuir à Lausanne. Après une expérience malheureuse dans cette ville, il revint à Aigle et à la suite d’une dispute publique contre un moine mendiant qui l’avait injurié, le vent tourna en faveur de la Réforme ; il fut alors procédé à une votation et sur les quatre districts du bailliage, trois, ceux d’Aigle, de Bex et d’Ollon, se déclarèrent pour l’abolition de la messe, laissant Les Ormonts seuls maintenir le catholicisme. Dans ces montagnes, Farel courut de très sérieux dangers. Les montagnards craignant de s’attirer des représailles de LL.EE. (Leurs Excellences) de Berne s’ils maltraitaient le réformateur, envoyèrent leurs femmes armées de battoirs de blanchisseuses contre lui et il n’échappa qu’avec peine à ces furies, rameutées par les cloches des églises sonnant à toute volée. Une lettre écrite le 10 mai 1527, durant cette douloureuse expérience, au cours de laquelle il éprouva que la protection politique est parfois autant un obstacle qu’une aide, nous éclaire sur ses sentiments : «Une charité fervente, voilà le bélier puissant avec lequel nous pouvons abattre les orgueilleuses murailles de la papauté».

Après deux nouveaux essais d’évangélisation infructueux à Morat et à Lausanne, Farel connut à 39 ans, l’un des sommets de sa carrière en participant à la Grande Dispute de Berne qui, du 7 au 25 janvier 1528, réunit 350 ecclésiastiques confédérés et étrangers et au cours de laquelle la science biblique et l’éloquence de Zwingli, de Haller et la sienne aboutirent à la proclamation officielle de la Réforme dans le canton de Berne et ses possessions.

Puis, inlassablement, il reprit son combat enseignant à Orbe, Grandson, Morat, Lausanne, Payerne, Avenches et La Neuveville, cette dernière alors possession de l’évêque de Bâle, d’où il fut chassé violemment, en décembre 1528. Cette fuite le conduisit pour la première fois à Neuchâtel qui sera quelques années plus tard comme le couronnement de sa mission et adoptera la Réforme en 1530. Entretemps et après sa première étape à Genève entre 1532 et 1536, il engagea une délégation de pasteurs à participer à la *Dispute de Lausanne qui aboutira à l’adoption de la Réforme dans le Pays de Vaud. Après l’étape essentielle de son ministère à Genève,  Farel  reviendra à Neuchâtel qu’il concevait comme un centre de rayonnement de la Réforme avec écoles, collège et académie, projets qu’il ne put réaliser. En 1533, il parvint toutefois à y installer *Pierre de Vingle, le premier imprimeur réformé, et, malgré l’opposition d’une partie de la population, il deviendra le premier pasteur de la ville. Il le restera jusqu’à sa mort en l565 à l’âge de 76 ans, tout en voyageant souvent parmi les Confédérés et parfois en France (Metz, Meaux, Strasbourg).

Naissance d’un «triumvirat»

(terme attribué à Martin Bucer, 1491-1551, éminent exégète allemand, professeur de théologie à Strasbourg, pendant vingt ans, puis à Cambridge où il mourut).

Entre 1532 et 1536 c’est surtout à Genève que Farel prêcha et, après un accueil d’abord hostile, gagnera toutefois assez d’adeptes pour qu’en mai 1536 le Conseil Général adopte la Réforme. Entre-temps, l’évêque Pierre de la Baume qui avait tenté d’éliminer Farel quitta définitivement la ville en 1533. Cependant entre-temps, en 1530, lors d’une campagne d’évangélisation à Orbe, il y avait rencontré un jeune homme de 19 ans, nommé *Pierre VIRET, fraîchement revenu de Paris, où il avait étudié la prêtrise au collège Montaigu. Farel le convainquit alors de devenir prédicateur réformé et le premier prêche de Viret (il avait tout juste 20 ans) eut lieu le 6 mai 1531 à Orbe. Il devint le prédicateur attitré de cette ville tout en évangélisant dans celles de Grandson, Payerne, Avenches, en maintenant le contact avec Guillaume Farel qui l’engagea à Neuchâtel pour diverses campagnes. Au début de 1536, à 25 ans, Viret fut nommé pasteur à Lausanne par LL.EE. de Berne afin d’y activer l’implantation de la réforme. Puis, en octobre de la même année, il participa dans cette ville, sous la houlette de Farel à la célèbre *Dispute de Lausanne. Il y prit une part active, tandis que *Jean CALVIN, récemment arrivé de Ferrare à Genève sur les instances de Farel, restait en retrait. Dès lors, les bases du  «triumvirat» étaient posées. Un éminent théologien de 27 ans, un vibrant évangéliste de 47 ans et un pasteur de 25 ans, éloquent et chaleureux, formèrent  un triumvirat passionné dont *Théodore de BÈZE dira plus tard : «Les gens de France ont admiré Calvin, parce que personne n’enseigna plus doctement. Ils ont admiré Farel, parce que personne ne tonna plus fortement ; mais ils admirent encore Viret répandant son miel, parce que personne ne parla plus suavement». Voilà les hommes que Dieu forma et utilisa selon les dons particuliers de chacun d’eux pour que le rayonnement de l’évangile de la grâce s’étende de Genève sur de nombreuses autres contrées.

Comme nous l’avons vu, Guillaume Farel, après avoir convaincu Viret et Calvin de s’établir à Genève s’en retira définitivement pour, dès 1538, se dédier entièrement à Neuchâtel, sauf quelques rares voyages, ajoutant à son ministère de prédicateur une intense activité sociale en faveur des pauvres et cela jusqu’en 1565, année où Dieu le reprit à Lui. Pierre Viret, durant son pastorat à Lausanne avait largement contribué à la création de l’Académie (1537) où il avait accueilli entre autres Théodore de Bèze. Cependant, le gouvernement bernois, selon la conception de Zwingli, soumettait l’Eglise à sa suprême autorité et refusait à Viret le pouvoir d’excommunier les pécheurs scandaleux. Viret, soutenu par Calvin, ayant insisté sur ce point fondamental fut incarcéré, destitué, puis banni de l’Etat de Vaud à l’âge de 48 ans. C’est alors, qu’à l’appel de Calvin, il se rendit à Genève où il reprit ses cours de théologie pendant plus de deux ans facilitant largement la création de l’Académie (1559) avant de quitter définitivement nos pays, suivant le conseil de ses médecins. Il poursuivit alors, dans le sud de la France un fructueux ministère, particulièrement au royaume de Navarre, à l’appel de la reine Jeanne III d’Albret, petite-fille de François 1er, et mère d’Henri IV, rois de France.

Mais, revenant à la formation du triumvirat, (ou trépied, selon d’autres), donc en mai 1536, il n’y avait pas plus de six mois que, la messe ayant été abolie, le Conseil de la ville de Genève adoptait officiellement la Réforme, juste deux mois avant l’arrivée de Jean Calvin. Le jeune et studieux juriste se voit aussitôt assailli par le bouillant Farel qui veut en faire un évangéliste. Or Calvin qui avait dû fuir précipitamment la France, après l’affaire des placards (octobre 1534), s’était d’abord réfugié à Bâle où il avait terminé la rédaction de sa célèbre Institution de la religion chrétienne où apparait déjà son idée maîtresse : «l’évangile seul est source de vérité et de croyance» qui lui valut une considérable renommée tant spirituelle que littéraire. Après cette publication, au printemps 1536, Calvin accepta l’invitation de Renée de France, duchesse de Ferrare, fervente protectrice des réformateurs, qui fut cependant contrainte, après quelques semaines de séjour et sur demande expresse du pape Paul III de chasser Calvin puis Marot de sa cour. On comprend qu’après ces péripéties Calvin ne désirait que se retirer à Bâle ou à Strasbourg pour y poursuivre ses études et voir mettre en pratique son Institution chrétienne. Ce n’est qu’à contre cœur, et sous la pression presque outrancière de Maître Farel, qu’il accepta le titre de «lecteur en la Sainte Ecriture», refusant obstinément celui de «ministre de la Parole».

Cette première expérience genevoise ne fut pas heureuse. Deux ans plus tard, ayant tenté d’imposer une sévère discipline morale aux Genevois, (interdiction des danses, fréquentation obligatoire du culte etc.), refusé l’immixtion de l’Etat dans les décisions de l’Eglise et s’être aliéné les «libertins», vainqueurs des élections municipales, Calvin est chassé par le Conseil de Ville avec Farel et s’installe à Strasbourg où il fonde et organise l’Eglise française.

Rappelé à Genève, d’abord par Farel, puis, par le Conseil de Ville, Calvin éprouve une forte réticence et ce n’est que grâce à l’insistance de Martin Bucer, toujours à Strasbourg, (exemple de Jonas) qu’il consent à un retour en septembre 1541, et qu’il est reçu sous les acclamations de la foule. Religieusement, il trouve une ville beaucoup plus propice à l’application de sa doctrine et, politiquement, devenant une place forte de la Réforme, Genève s’affranchit de la tutelle des ducs de Savoie toujours à l’affût. Calvin mettra immédiatement ces dispositions favorables à profit. D’abord, il réunit une assemblée de pasteurs et de conseillers laïcs, qui deviendra par la suite le Consistoire, et dont la première tâche est d’adopter les «Ordonnances ecclésiastiques», complément des «Articles ecclésiastiques» de 1537. Ceci est obtenu le 20 novembre l541 déjà. Les Ordonnances jettent les bases d’une Eglise officielle ; elles définissent l’organisation de l’Eglise de même que la séparation des pouvoirs entre l’Eglise et l’Etat, instituant une semi-théocratie. Tandis que Luther encourageait la fondation d’églises, sous la coupe des princes, Calvin érige à Genève un Etat éducateur étroitement soumis à l’Eglise. Le Grand Conseil surveillera les membres du Consistoire, élus mais agréés qu’après avoir fait preuve de leur foi et de leur idonéité. Cette vocation éducatrice sera parachevée en 1559, avec l’aide de Théodore de Bèze, par la création de l’Académie de Genève laquelle devint une école de missionnaires protestants qui eurent une influence considérable, souvent au péril de leur vie, dans la propagation et l’organisation de la Réforme en plusieurs pays mais en France en particulier (histoire des flèches). La direction de l’Académie fut confiée à Théodore de Bèze.

A partir de son retour en 1541, et malgré certaines oppositions manifestées à l’occasion de procès retentissants (Jacques Gruet, libertin (1547), Jérôme Bolsec, adversaire de Calvin anti-prédestination (l551),  Michel Servet, théologien antitrinitaire (1553),  «Vieux Genevois», «libertins»), Calvin, jusqu’à sa mort en 1564, resta le maître tout-puissant de Genève et en fit la métropole absolue du calvinisme, la «Rome protestante». Tirant parti de l’attrait que Genève exerçait, Calvin, imposant sa volonté au parti des «Vieux Genevois» non seulement accueillit les nombreux réformés persécutés en provenance de France, d’Italie, et ceux d’Angleterre, victimes de Marie Tudor, mais de plus leur accorda la citoyenneté genevoise.

L’activité de Calvin de 1541 à sa mort impressionne. Outre la rédaction finale des Articles ecclésiastiques et l’élaboration définitive des Ordonnances ecclésiastiques qui font office de constitution de l’Eglise de Genève, Calvin a rédigé les Commentaires Bibliques de tous les livres du N.T., sauf les 2ième et 3ième épîtres de Jean et l’Apocalypse, outre la Genèse, les Psaumes et le Prophète Esaïe, selon la liste en page finale. Cette liste met en évidence l’étendue des relations dont Calvin jouissait, l’autorité dont il usait dans ses relations avec les personnages auxquels il dédicaçait ses écrits et le rayonnement qui en est découlé pour la Réforme et la ville de Genève. Mais que dire de ses sermons… certains ont avancé des chiffres aussi considérables que 5'000 sur 18 ans alors que pour d’autres le chiffre de 4'000 serait plus probable. Mais ils s’accordent pour souligner que le passage biblique proposé était d’ordinaire relativement court, médité bible ouverte et… sans notes à  l’appui ! Calvin a donc bénéficié jusqu’à sa mort d’un esprit parfaitement clair et lucide alors que son pauvre corps le faisait terriblement souffrir, en particulier par des migraines et de violentes diarrhées qui l’obligeaient à utiliser la chaise à porteurs pour gagner la cathédrale pour ses sermons et l’Académie pour ses cours. Cette clarté de l’esprit lui a également permis de nourrir une abondante correspondance avec les plus hautes personnalités politiques de l’époque, (noblesse française, princes allemands, églises persécutées). Il s’en détache une remarquable perspicacité politique, exprimée  avec modération, fort éloignée des excès de violence littéraire d’un Luther à l’égard des Juifs en particulier, mais aussi envers ceux qui ne partageaient pas entièrement ses propositions (Bucer, Melanchthon, Zwingli). En 1561, on estime qu’un tiers des princes du sang et de la haute noblesse française sont réformés ; on compte environ 670 églises réformées en France et plus d’un quart de la population est adepte du «calvinisme» également fortement implanté en Ecosse, en Angleterre, en Allemagne (Palatinat, Nassau, Brandebourg, Anhalt, Hesse), en Bohème et en Hongrie, de sorte qu’en Europe, le calvinisme est déjà davantage répandu que le luthéranisme, tandis qu’en Suisse alémanique il se rapproche nettement du «zwinglianisme». Après la mort de Calvin il ne se trouve personne pour lui succéder avec la même autorité, quoique Théodore de Bèze aie assumé jusqu’à sa mort (1605) la direction de l’Académie avec une indéniable compétence qui valut à cette maison d’études sa haute renommée.

Calvin s’attacha à «ancrer profondément le christianisme dans la vie séculière» et son idéal fut un Etat théocratique, éducateur, destiné à «nourrir et entretenir le service extérieur de Dieu» et à «former les hommes à toute équité requise».

Conclusion de l’Argument du livre des Actes des Apôtres de Jean Calvin :

«Si ce livre de S. Luc n’était demeuré pour nous servir de registre, on pourrait penser que Christ montant au ciel n’a laissé en ce monde, aucun fruit de sa mort et de sa résurrection. Toute mémoire en serait perdue aussi bien que la présence de son corps.
Nous ne saurions point que Christ a été reçu dans la gloire céleste de façon telle qu’il exerce une souveraine domination sur le monde entier. Nous ne saurions point que la doctrine de l’Evangile a été publiée par le ministère des Apôtres, afin que de main en main elle parvienne jusqu’à nous, quelle que soit la longueur du temps entre eux et nous. Nous ne saurions point qu’ils ont reçu le Saint-Esprit pour ne rien enseigner qui ne soit de Dieu, afin que notre foi soit fondée sur la ferme et certaine vérité. Enfin, nous ne saurions point que cette prophétie d’Esaïe a été accomplie, dans laquelle il a prédit que la Loi sortirait de Sion et la parole de Dieu de Jérusalem (Esaïe 2. 3b.)  Or, puisque ce livre, qui est procédé du Saint-Esprit, nous rend un témoignage certain de toutes ces choses, j’ai dit non sans raison plus haut, et je maintiens encore que nous devons le tenir pour un trésor singulier.»

Personnages et textes cités

Théodore de BÉZE

Réformateur français (Vézelay 24.6. 1519 – Genève 13.10.1605). Outre ce qui en a été dit précédemment, de Bèze est d’une famille de petite noblesse. Il fait ses études de théologie  à Bourges puis à Orléans, orienté vers la Réforme par son maître l’humaniste Melchior Wolmar. Cependant, doté de confortables bénéfices ecclésiastiques, il mène à Paris une vie fort dissipée jusqu’à ce qu’atteint d’une grave maladie, il abjure le catholicisme, renonce à ses bénéfices et se convertisse au protestantisme (1548). Fuyant Paris, de Bèze arrive à Genève où il est dirigé vers l’Académie de Lausanne, alors la seule en Romandie, pour y enseigner le grec. Puis, après un voyage en Allemagne où il rencontre Melanchton, il vient se fixer à Genève où il devient le second immédiat de Calvin. Outre ses responsabilités à Genève il prêche assidûment en Navarre (conversion d’Antoine de Bourbon, roi de Navarre, père d’Henri IV), en France (colloque de Poissy, controverses avec Charles de Guise, cardinal de Lorraine, avec le général des Jésuites Jacques Lainez, participation à la bataille de Dreux.) Ses écrits sont estimés comme les fondements de la théologie réformée et la plus pure expression du calvinisme (Abraham sacrifiant, la première tragédie en français qui ne fût pas une traduction des Anciens), Histoire ecclésiastique des Églises réformées de France). Son style l’a fait considérer comme le précurseur du renouveau de la langue française.

Jean CALVIN

Outre ce qui précède, rappelons que Calvin, ou Caulvin, ou Cauvin (Noyon, 1509 – Genève, 1564), «le second patriarche de la Réforme» selon l’expression de Bossuet, est le fils d’un homme qui exerce à la fois les fonctions de notaire apostolique, de procureur fiscal du comté et de secrétaire de l’évêque de Noyon. Grâce à l’appui de ce prélat, Calvin fréquente différents collèges  puis vient à Paris où il entre au collège de la Marche, puis trois ans plus tard au célèbre collège de Montaigu, le même que fréquenta Erasme, John Knox et Pierre Viret. Grâce à ses hautes relations, son père lui fait obtenir dès 1521 puis 1527 différents bénéfices ecclésiastiques. Cependant, le goût de l’étude et les perspectives d’élévation hiérarchique le poussent vers des études supérieures de jurisprudence et de théologie d’abord à Bourges puis à Orléans où il connut des maîtres acquis à la nouvelle théologie et à l’humanisme. Revenu à Paris, gradué en lettres et en droit, il publia un premier ouvrage philologique et philosophique sur le De clementia de Sénèque (1532). Mais une profonde conversion l’amena bientôt à entrer dans les luttes religieuses et, en 1533, profitant de la rentrée de l’Université de Paris, il fit prononcer par le recteur un discours favorable aux thèses luthériennes dont le scandale qui s’ensuivit l’obligea à se réfugier à Angoulême, puis à Nérac, auprès de Marguerite, reine de Navarre, sœur de François 1er et finalement à Bâle où nous l’avons retrouvé.

Berchtold HALLER

Réformateur suisse, né à Aldingen, près de Fribourg-en-Brisgau, en 1492, mort à Berne en 1536. Après avoir suivi l’école à Pforzheim où il se lia d’amitié avec Philippe Melanchton, futur réformateur allemand, il étudia la théologie à Cologne et fut en 1513 nommé professeur à Rottweil en Forêt-Noire puis, en 1520, devint chanoine et curé de la cathédrale de Berne. Ayant rendu en 1521, une visite à Zwingli qui, dès lors, devint son ami et son conseiller, il embrassa avec ferveur les doctrines de la Réforme. Seules quelques lettres, précieusement conservées dans les archives de Zwingli, témoignent de leur abondante correspondance. Dès 1523, les sermons de Haller prouvent l’influence que Zwingli exerça sur lui ; en 1526 il participa à la Dispute de Baden, sur l’interprétation des Ecritures, en opposition à Luther, puis en 1528 à Berne, à la Grande Dispute sur la foi qui aboutit à la proclamation de la Réforme, l’abolition de la messe et la suppression des images pour tout le territoire bernois. Grand Doyen de l’Eglise bernoise dès 1532, il avait établi d’étroits contacts avec Guillaume Farel dès cette date et jusqu’à sa mort.

Guillaume FAREL

(1489-1565) Né au petit village des Farels, dans une famille de petite noblesse, très catholique, il est d’abord à Paris, puis à Meaux (1521), disciple du célèbre théologien et  humaniste français Lefèvre d’Etaples, vicaire général de Mgr Briçonnet, évêque de Meaux, (1450-1537) lequel, avant Luther, affirme que : «C’est dans l’Ecriture Sainte que se trouve la doctrine du Christ» et que «la grâce de Dieu est l’unique moyen de salut, les œuvres n’étant que des manifestations extérieures et secondaires». Gagné à la Réforme, il est contraint de chercher refuge à Bâle, près d’Oecolampade (1523), puis à Montbéliard (1524), à Metz (1525) et à Strasbourg (1525) où il publie la première liturgie en langue française, intitulée : Manière et fasson qu’on tient ès lieux que Dieu de sa grâce a visités. Enfin, il arrive à Berne où nous l’avons retrouvé auprès de Berchtold HALLER.

OECOLAMPADE né Johannes Heussgen (ou Hüssgen)

Né à Weinsberg, Souabe 1482, mort à Bâle en 1531. Après de solides études latines à Heilbronn, ses humanités à Heidelberg (1499-1503), des études de droit à Bologne (1503), puis de théologie à Heidelberg, ce fils de bonne famille obtint son doctorat en théologie à Bâle en 1518 tout en s’étant consacré à l’étude du grec et de l’hébreu. Invité à travailler avec Erasme à la traduction critique du N.T. (1516), il se distingua par ses travaux sur ces langues et les nombreuses traductions des Pères de l’Eglise grecs. Nommé au poste prestigieux de prédicateur de la cathédrale d’Augsburg en 1518, il fut immédiatement entraîné dans les querelles au sujet de Luther et bien que favorable à ce dernier, parvint à éviter une rupture avec l’Eglise. En 1520, de façon surprenante, Oecolampade, se retira dans le couvent d’Altomünster, près d’Augsburg, pensant pouvoir y mener une vie studieuse et tranquille. Il se pencha alors sur l’Eglise traditionnelle et publia un texte sur la confession (1521) dans lequel il prenait parti pour Luther. Il dut aussitôt quitter le couvent (1522) à cause de ses opinions et la même année, après s’être rallié à la Réforme, il se rendit à Bâle où il ne tarda pas à devenir le meneur théologique du tout récent mouvement réformateur. En 1523 le Conseil lui confia l’une des deux chaires de théologie de l’Université, puis en 1525 le poste de pasteur à l’église Saint-Martin. Dès ses débuts à Bâle, il déploya une intense activité oratoire (conférences, prédications) ce qui lui valut d’être reconnu comme un éminent commentateur des Ecritures, bien au-delà de Bâle puisqu’il fortifia Guillaume Farel dans ses convictions. Jusqu’à sa mort, il commenta de vastes portions de l’A.T. et du N.T. dont la plupart furent imprimés, ce qui en fit l’un des exégètes protestants les plus importants des débuts de la Réforme. Oecolampade excella également dans les controverses théologiques, notamment avec les théologiens de Wittenberg au sujet de la Cène. Très proche de Zwingli et défendant une conception radicalement symbolique, il rédigea plusieurs textes contre Luther. A la Dispute de Baden (1526) Oecolampade se montra un adversaire déterminé face aux catholiques et, même si la Diète condamna les conclusions de cette controverse, cette décision resta sans effet à Bâle qui, dès 1529, introduisit la Réforme selon une ordonnance qu’il avait largement contribué à faire aboutir. Les idéaux moraux élevés qu’il défendait et qui devaient aboutir à une séparation plus nette entre l’Eglise et l’Etat ne se réalisèrent guère mais influencèrent profondément Calvin. Cette même année, il participait au colloque décisif de Marburg (1429) défendant les thèses de Zwingli. Il mourut à Bâle en 1531 à l’âge de 49 ans, deux mois après Zwingli.

Niklaus MANUEL

(surnommé DEUTSCH) : Magistrat, poète et peintre suisse, né et mort à Berne (1484-1530). Membre du Grand Conseil de Berne (1512), il passa au service de la France et combattit à Pavie (1525). De retour à Berne, élu membre du Conseil des Deux-Cents et du Petit Conseil (1528), il fut l’un des plus ardents  partisans de la Réforme. Comme peintre, il travailla à Bâle, Colmar et Venise où il fut l’élève du Titien sous le nom d’Emmanuello Tedeschi. Son œuvre est d’inspiration essentiellement religieuse dont La Tentation de Saint Antoine (1520) et quarante-cinq fresques de la Danse des morts à Berne.

VADIAN ou VADIANUS (dit Joachim de WATT)

humaniste, homme d’Etat, médecin, historien et réformateur suisse, né et décédé à Saint-Gall (1483-1551). Membre d’une influente famille saint-galloise, Vadian suivit les cours de l’école latine et, en 1501, quitta Saint-Gall pour étudier à Vienne où il fut nommé maître puis professeur de philosophie et de poétique, avant d’être élu recteur de l’université en 1516, tout en suivant des études de médecine. C’est durant ce fructueux séjour qu’il     reçut de l’empereur Maximillien 1er le titre de poète et d’orateur impérial (poeta laureatus), puis, son diplôme de médecin en poche, revint en Suisse en 1518. Vadian entra en 1521 au Petit Conseil où il prit nettement le parti des Réformés en présidant la seconde Dispute de Zurich en 1523 puis en jouant un rôle déterminant dans l’adoption de la Réforme à Saint-Gall, selon la doctrine de Zwingli, en 1525. Dès 1526 il devint le bourgmestre de sa ville une année sur trois jusqu’à sa mort.

Cependant, profitant des dispositions favorables aux protestants, suite à la première paix de Kappel (1529), ses efforts en vue de supprimer l’abbaye furent un échec. Saint-Gall dut accepter le voisinage du monastère, tout en conservant son autonomie  et sa confession, malgré l’hostilité de l’abbé. Plusieurs fois délégué à la Diète, il présida en 1549 un tribunal fédéral d’arbitrage. Comme historien Vadian laissa d’importantes études sur l’histoire régionale et ecclésiastique, entre autre, l’histoire de la transformation de l’Eglise primitive en papauté et sa Kleinerei Chronik der Äbte qui devinrent rapidement des références et furent publiés déjà en 1606 puis en 1875-l879. Il légua sa bibliothèque personnelle de 450 volumes à la ville de Saint-Gall qui, en 1904, érigea en son honneur une imposante statue de 2,8 tonnes sur la Place du Marché, œuvre du sculpteur suisse Richard Kissling.

Pierre de VINGLE

(Lyon 1495-Wingles (Picardie) 1536). Imprimeur-libraire, fils aîné de l’imprimeur de Lyon, Jean de Vingle, il est exilé de Lyon en 1531 pour avoir imprimé un ouvrage luthérien condamné par la Sorbonne et il part pour Berne (1531). Il s’établit d’abord à Genève en février 1533, où il imprime la traduction du Nouveau Testament de Jacques Lefèvre d’Etaples puis, à la demande de Guillaume Farel, il se rend à Neuchâtel / Serrières en juillet 1533 où il imprime en particulier la Bible dite d’Olivétan (1535), première Bible protestante en langue française et «Les Placards». Il est reçu bourgeois d’honneur de la ville de Neuchâtel en 1534. Pour se protéger, il a souvent usé de pseudonymes lors de la publication de divers ouvrages. Après sa mort, un de ses ouvriers, Jean Michel, rachète son matériel à sa veuve et s’établit à Genève.

Pierre VIRET

(Orbe 1511-Pau 1571). Outre ce qui a été dit de son ministère en terres helvétiques, il convient de relever qu’après son départ de Genève, Viret se dirige vers le sud de la France et s’arrête d’abord à Nîmes puis à Montpellier où sa renommée attire des foules. Mais c’est à Pau, alors capitale du Béarn, qu’il fut engagé par Jeanne III d’Albret, reine de Navarre, petite-fille de François 1er et mère du futur Henri IV, roi de France. Dans ce bastion du protestantisme, il est chargé de l’édification des églises en Béarn et d’enseigner la théologie à l’université réformée d’Orthez, fondée par cette même reine. Signalons encore son œuvre maîtresse : Instruction chrétienne en la doctrine de la Loi et de l’Évangile (1564) et citons l’éloge funèbre que lui dédia Jeanne III d’Albret : «Entre les grandes pertes que j’ai faites durant et depuis les dernières guerres, je mets au premier lieu la perte de Monsieur Viret que Dieu a retiré à soi».

MARBURG

Ville d’Allemagne occidentale (Hesse), sur la Lahn (78'000 habitants en 2008). Mentionnée au début du XIIe siècle, érigée en ville en 1227, elle fut la résidence des landgraves de Hesse (1248-1604), puis passa à la Hesse-Kassel. La première université protestante allemande y fut fondée en 1527 par Philippe 1er, le Magnanime. Le colloque de Marburg (début octobre 1529) fut convoqué par Philippe de Hesse afin de réaliser l’union des réformateurs de Saxe, représentés par Luther et Mélanchton, et des réformateurs de Suisse, représentés par Zwingli, Oecolampade et Bucer, ce dernier, grand admirateur de Luther, représentant l’Alsace. Luther avait dressé une liste de  quinze articles de foi, traitant des cas de doctrine fondamentaux, sur lesquels un accord des deux partis était indispensable pour l’unité de la Réforme. Sur ces quinze articles, quatorze  furent adoptés par les deux partis, après de légères modifications, mais sur le quinzième, Zwingli s’obstina dans son refus d’accepter la doctrine luthérienne de la consubstantiation (présence corporelle du Christ dans le pain et le vin de la Cène).

Traduction des articles de Marburg

Premièrement, nous croyons et confessons unanimement des deux côtés, qu’il y a seulement un Dieu, auteur de toutes les créatures et que ce même Dieu est Un dans son essence et triple dans sa Personne, savoir le Père, le Fils et le Saint Esprit ainsi que cela fut décrété au Concile de Nicée et tel que cela est chanté et établi dans le Credo de Nicée par toute l’Eglise chrétienne dans le monde.

Deuxièmement, nous croyons que ni le Père ni le Saint Esprit, mais que le Fils de Dieu le Père, véritablement Dieu lui-même est devenu homme par l’action du Saint Esprit, sans l’intervention d’une semence masculine, qu’il est né de la pure Vierge Marie et fut en tout humain avec un corps et une âme, comme les autres hommes, mais sans le péché.

Troisièmement, que ce même Fils de Dieu et de Marie, indivisible Personne, Jésus Christ, fut crucifié pour nous, qu’il est mort et a été enterré, ressuscité des morts, monté aux cieux, qu’il siège à la Droite de Dieu, Seigneur au-dessus de toutes les créatures et qu’il va venir pour juger les vivants et les morts, etc.

Quatrièmement, nous croyons que le péché originel est inné, que nous en héritons d’Adam, et que ce péché condamne tous les hommes. Et si Jésus Christ ne nous était pas venu en aide par sa mort et sa vie, nous aurions dû mourir éternellement comme résultat de ce péché et nous n’aurions pu recevoir le royaume de Dieu et le salut.

Cinquièmement, nous croyons que nous sommes sauvés de ce péché et de tous les autres péchés aussi bien que de la mort éternelle si nous croyons au Fils de Dieu, qui est mort pour nous, etc. et que sans une telle foi, nous ne pouvons nous libérer nous-même d’aucun péché par aucune œuvre, par aucun genre de vie, ou ordre religieux, etc.

Sixièmement, qu’une telle foi est un don de Dieu qui ne peut être gagné par aucune œuvre ou mérité par des préparations que nous pouvons achever par notre propre force mais que le Saint Esprit donne et crée cette foi dans nos cœurs comme il lui plaît lorsque nous entendons l’Evangile ou la Parole du Christ.

Septièmement, qu’une telle foi est notre Justice devant Dieu en regard de quoi Dieu nous reconnaît et regarde comme justes, pieux et saints, en dehors de toute œuvre ou mérite et à travers il nous délivre du péché de la mort et de l’enfer et nous reçoit par grâce et nous sauve, pour l’amour de son Fils en lequel nous croyons, et ainsi nous réjouissons et participons de la Justice de son Fils, de sa vie et de toutes ses bénédictions. Ainsi toute vie monastique et tout vœux lorsqu’on les regarde comme une aide sont condamnés.

Viennent ensuite les articles concernant le baptême, les bonnes œuvres, la confession, les autorités et enfin le fameux quinzième article, cause de désaccord et la conclusion :

Quinzièmement, concernant la Cène de notre Seigneur Jésus Christ, nous croyons et soutenons tous que les deux espèces devraient être utilisées selon l’institution du Christ ; de même que la messe n’est pas une œuvre par laquelle un homme puisse obtenir la grâce pour quelqu’un d’autre, mort ou vivant. Nous croyons aussi que le sacrement de l’autel est un sacrement du vrai corps et du vrai sang du Christ, et que la participation spirituelle de ce même corps et sang est suprêmement nécessaire pour tout chrétien. Similairement, que l’usage du sacrement, comme de la Parole, a été donné et ordonné par Dieu tout puissant dans le but que les consciences faibles puissent ainsi être excitées à la foi par le Saint Esprit.

 

Conclusion : Et quoique nous ne soyons pas parvenus à un accord en ce temps quant à savoir si le vrai corps et sang du Christ sont corporellement présents dans le pain et le vin, néanmoins, chaque parti doit manifester un amour chrétien pour l’autre camp, dans la mesure où leur conscience le leur permette, et les deux côtés doivent prier le Dieu tout puissant avec ferveur pour que son Esprit nous conforte dans le véritable enseignement. Amen

Commentaires bibliques de Jean Calvin

Genèse : Prince Henri, duc de Vendôme, roi héritier de Navarre, Genève, le 31 juillet 1554,

L’Harmonie évangélique : Argument sur l’Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ selon Saint Matthieu, Saint Marc et Saint Luc (sans date ni préface).

Évangile selon Jean : Messieurs les Syndics, et Conseil de Genève,  Genève, 1er janvier 1553,

Actes des Apôtres : Mgr Nicolas Radziwil,  Duc en Olira, Grand Maréchal du Grand-Duché de Lithuanie, le 1er août 1560,

Épître aux Romains : M.  Simon Grinée, octobre 1539, Strasbourg, le 18 octobre 1539,

Première épître aux Corinthiens : Seigneur Galliaze Caracciole, Marquis de Vico, (?)

Deuxième épître aux Corinthiens : Melchior Volmar Roux, Juriconsulte, Genève, le 1er août 1546,

Épîtres aux Galates, Éphésiens, Philippiens  et Colossiens : Prince Christophe, Duc de Wurtemberg, Comte de Montbéliard, Genève, le 1er février 1548,

Première épître aux Thessaloniciens : M. Mathurin Cordier, Principal du Collège de Lausanne, Genève, le 17 février 1550,

Deuxième épître aux Thessaloniciens : M. Benoît Textor, Médecin,  Genève, le 1er juillet 1550,

Épîtres à Timothée : Edouard, Duc de Somerset, Protecteur d’Angleterre, Genève, le 24 juin 1448,

Épîtres à Tite et Philémon : MM. Guillaume Farel et Pierre Viret, Genève le 29 novembre 1549,

Épître aux Hébreux : Sigismond, Roi de Pologne, Grand-Duc de Lituanie, Genève, le 23 mai 1549,

Épître de Jacques : aucune dédicace, ni date,

Épîtres de Pierre, première de *Jean et Jude : Edouard VI, Roi d’Angleterre, Genève, le 23 janvier 1551, par lequel on apprend que Calvin a déjà envoyé  à ce monarque ses commentaires sur le livre du prophète Esaïe.

*Calvin n’a pas commenté les 2ème et 3ème épîtres de Jean et il n’a pas dédicacé ses commentaires sur les évangiles de Matthieu, Marc et Luc, lesquels sont présentés simultanément en quatre volumes comme : L’Harmonie Evangélique.

 

Bibliographie

  • Dictionnaire encyclopédique d’histoire, Michel Mourre, Edition 1978 en 5 volumes.
  • Dictionnaire d’Histoire de France, Librairie Académique Perrin, Alain Decaux de l’Académie Française et
  • André Castelot.
  • A la découverte de l’Histoire Suisse, Prof. Dr. Werner Meyer, Prof. Dr. Georg Kreis.
  • Dictionnaire du Grand Siècle, sous la direction de François Bluche, Prix d’Académie.
  • Larousse du XXème siècle, 6 volumes.

Les notes réunies sous le titre «La Réforme en Suisse» ne sont pas une étude englobant les multiples caractères de la Réforme et ses conséquences. Elles ne sont qu’un survol historique et politique permettant de comprendre l’environnement dans lequel des hommes, choisis et formés par Dieu dans un but précis, ont pu réaliser le plan conçu pour remettre en lumière les vérités fondamentales de l’évangile et la vocation de l’Eglise, «habitation de Dieu par l’Esprit» (Eph. 2. 22). De plus elles ne se réfèrent qu’à la Suisse et plus particulièrement à la Romandie et seront suivies de cinq réunions intitulées Sola scriptura, Sola fide, Sola gratia, Solus Christus et Soli Deo gloria qui englobent l’essence même de la Réforme. Elles ne peuvent donc être séparées de l’entretien où elles ont été présentées oralement le 3/9/2017 à Ballaigues.